La Xé Bang Faï souterraine - 1905

Tham Khoun Xé, la rivière souterraine géante

 

Au sud-est du Khammouane, l’existence du cours souterrain d’une autre grosse rivière, la Xé Bang Fai, était connue des membres de la mission Pavie. Mais elle ne présentait que relativement peu d’intérêt parce que, en amont de son émergence, la rivière n’était pas navigable et ne donnait pas accès à un cheminement pratique vers le Vietnam à travers la cordillère annamitique.


Il faut attendre 1904 pour qu’une première reconnaissance soit réalisée. A bord du La Grandière, une chaloupe-canonnière qui assurait la sécurité de la navigation sur le Mékong, Paul Macey profite des hautes eaux de la saison des pluies pour remonter la Xé Bang Faï jusqu’à l’immense porche de la grotte.




Le porche aval de la Xé Bang Faï - La gravure, oeuvre de Lucien Rudaux, d’après la description de Paul Macey, donne une bonne image de la réalité. A droite, le spéléo avec un sac à dos rouge donne l’échelle (©Ghommidh-2007)


 


Les Génies de la montagne et des eaux ne pardonneront jamais à la canonnière cette offense. Le La Grandière aura un destin tragique et sombrera en juillet 1910 en engloutissant au fond du Mékong le trésor sacré des rois de Luang Prabang. Mais ceci est une autre histoire...


En 1905, nouvelle tentative, cette fois en Mars, à l’étiage, pour limiter les risques de crue. Pour l’exploration, un petit radeau en bambous est fabriqué spécialement. En prévision de portages éventuels, il est jugé préférable à une petite pirogue.

Munis de torches résineuses, de lampes à pétrole, de cordes en rotin, de perches, de vivres pour plusieurs jours, une équipe d’explorateurs intrépides se lance à l'assaut de la rivière souterraine le 30 mars 1905, à 8 heures du matin.


 

Télécharger l’article entier de Paul Macey




La perte de la Xé Bang Faï, tracée par Lucien Rudaux, d’après la description de Paul Macey.



En dépit de leur caractère exceptionnel, les explorations de Cupet et de Macey vont tomber dans l’oubli. On ne retrouve trace de nouvelles explorations spéléologiques qu’à partir de 1947. Quarante ans ont passé et Christian Rachou, médecin-capitaine alors en poste à Thakhek, met à profit son temps de loisir pour explorer, avec ses amis, les cavités de la région...

 

Aout 1904

La Sé Bang Faï fut remontée, en Aout 1904, par le “Lagrandière”, vapeur de la flottille du Laos, sur une distance de 250 kilomètres, jusqu'à l'ouverture de sortie de la perte.

En arrivant à ce point terminus de la navigation à vapeur aux hautes eaux, une volée de mitraille fut dirigée dans le souterrain, pendant que la sirène du “Lagrandière” meuglait éperdument. Le tintamarre produit par le canon et la sirène amena des répercussions d'échos, inconnus jusque là. Il marqua notre intention d'arracher au Thame Nam Sé ses secrets gardés si longtemps par les Génies de la montagne et des eaux .


Extrait de Macey P., 1908. Cours d’eaux souterrains du Cammon au Laos. Spelunca, Bulletin et mémoires de la Société de Spéléologie, VII, 52.

 La traversée de Tham HeupTham_Heup.htmlTham_Heup.htmlshapeimage_6_link_0

Le Lagrandière lors de son transport pendant le franchissement des chutes de Khône

30 Mars 1905

9h du matin - La galerie s’élargit à 100 mètres et le plafond s’élève de plus de 30 mètres, si on en juge par la difficulté que l’on a de l’apercevoir avec l’éclairage imparfait dont on dispose ! C’est un double phare d’auto qui serait utile avec deux foyers dirigés l’un en haut et l’autre horizontalement !

Remonté plusieurs vangs (biefs en lao), dont l’eau remplit tout le radier, sur une largeur de 40 mètres et avec une profondeur de 4 mètres.

10h du matin - Après un resserrement des parois, on franchit un septième vang.

Un rapide, long de 120 mètres, oblige de démonter le radeau pour en transporter les éléments, en amont, en marchant sur une banquette de roche, aux saillies aigües et coupantes.

Midi - Après avoir remonté le radeau on se remet en route ; on franchit le huitième vang, en eau calme, profondeur 6 mètres. Le souterrain s’élargit à 60 mètres. Au milieu de l’eau se dresse un bloc de calcaire qui dépasse le plan d’eau de 8 mètres.

Déjeuner et première halte de repos, sur une étroite banquette de roche.

5 heures du soir - On repart.

Le souterrain se rétrécit à moins de 30 mètres. L’eau a une profondeur de 4 mètres, avec un courant très vif que le radeau a beaucoup de peine à vaincre. Ensuite, survient un véritable étranglement, d’une longueur de 40 mètres. Là, en raison du courant, on ne peut progresser qu’en s’aidant de perches à crochet et des mains, aux aspérités de la paroi. Des têtes de roches menaçantes d’aspect se voient sous le glauque de l’eau.

On doit marcher avec la plus grande prudence en sondant constamment en avant, afin d’écarter les causes de tout accident possible : bris de radeau, perte du luminaire, des vivres, et surtout, éviter toute chute à l’eau qui serait serait mortelle. Les roches qui s’estompent au fond présentent les formes spéciales de la cassure des calcaires et leurs arêtes, tout en angles aigus ou en croissants, sont coupantes, comme des lames bien affutées.

Le temps a passé, il est 9 heures du soir, la fatigue se fait sentir.

[...]

31 Mars 1905

2 heures et demi du matin. [...] Tout le monde est harassé, le sang coule d’écorchures nombreuses ; aussi, malgré la crainte d’une crue, prend-on un peu de nourriture, puis quelques heures de repos, auprès d’un grand feu, dû à un tronc d’arbre mort, dont l’éclat nous fait voir le souterrain dans toute sa beauté !

Oui ! mais il est bien long !

[...]

3 heures du soir - Nous sommes au terme du voyage ; les fatigues, les dangers sont oubliés. les moindres écorchures, dont nous sommes tous couverts, deviennent moins cuisantes ; on pardonne aux roches qui les ont causées.

Le parcours qui se termine ici mesure 4200 mètres approximativement. Il a nécessité vingt et une heures de marche effective ; c’est à dire lentes, pénibles, avec des dangers certains !


Extrait de Macey P., 1908. Cours d’eaux souterrains du Cammon au Laos. Spelunca, Bulletin et mémoires de la Société de Spéléologie, VII, 52.


Un siècle après Macey, le feu de camp sous terre, dans une galerie de 150 m de large, reste un grand moment  d’aventure


Croquis d’exploration de Paul Macey. Il estime la longueur de la rivière à 4200 mètres. Elle mesure en réalité 6400 m.

1890 - La Nam Hin Boun souterraine Konglor.htmlKonglor.htmlshapeimage_8_link_0

1905 - L’exploration de la Xé Bang Fai

1991 - L’époque moderne